"Journal japonais" De Richard Brautigan
Voici ce qu'écrit Jim Harrison, à propos du "Journal japonais", demeuré inédit en France :
"Que veux tu que je te dise ? Rien ne m'a plus touché que ton travail, si peu maniéré et si exact dans son insistante nudité. .. Un long poème qui offre sa générosité par fragments, sous la forme légendaire, peut être inconsciente, du périple. Il y est question du courage et de la solitude majestueuse nécessaire pour s'embarquer vers ces terres étranges : à la fois le Japon et la vraie nature du poète, ce lieu où plus rien ne nous empêche d'avouer et de tout louer. J'aime le livre car c'est une chanson vraie qui n'annonce aucune lumière au delà de sa brillance propre. Mais ce que l'on y trouve surtout, c'est cette pureté vers laquelle, en cette drôle de derive, nous croyons maintenir le cap."
Que dire après cela, que Richard Brautigan a écrit ses pages, ses poèmes lors de son séjour au Japon, que l'on ne peut rester insensible à certains, que d'autres font échos à nos propres aspirations. Je vous livre quelques uns de ces poèmes :
Les 12 000 000
J'ai le cafard,
et la mélancolie qui me hante
n'a ni le reflet
ni ombre.
Des gens qui vivent à Tokyo, il y en a 12 000 000
Je ne suis pas tout seul, je le sais.
Il y en a fatalement d'autres
qui ressentent cela.
Jour pour Nuit
Le taxi traverse l'aube de Tokoy
et me ramène chez moi.
Toute la nuit, je suis resté éveillé.
Et je serai endormi avant le lever
du soleil.
Je vais dormir toute la journée.
Le taxi est oreiller,
les rues sont couvertures,
l'aube est mon lit.
Le taxi apaise mes esprits.
Je suis en route pour de nouvelles rêveries.
Biens immobiliers
J'ai des émotions
pareilles à des journaux
qui se lisent eux mêmes.
Je passe des jours entiers
coincé dans la rubrique des petites annonces.
Je me sens comme une offre de vente
pour une maison hantée :
18 pièces
37 000 dollars
je suis à vous
fantôme et le reste.
Pour passer Où ?
J'exhibe parfois mon passeport,
contemple ma propre photographie
(pas très réussie etc.)
juste pour voir si j'existe.
Je regarde Mon Lit / 3 heures du matin
S'ensommeiller sans sommeil
pour ensuite s'endormir
sans
dormir.